Roméo et Juliette

Publié le par Marionette

Ce que vous entendez est une partie de la suite pour orchestre qu'a composé Prokofiev sur l'histoire de Roméo et Juliette. C'est le moment où Roméo venge Mercutio. J'ai joué cette suite (qui dure environ 2h) avec un orchestre énormissime et sous la direction du chef d'orchestre de l'opéra de Genève, qui est exceptionnel. (Il nous a fait jouer la deuxième partie du morceau à peine plus vite, qu'il faut absolument écouter) Petite remise en situation...

On joue dans l'église de Morzine, on est une centaine de musiciens, concentrés et ravis. Je suis à peu près au centre de l'orchestre, puisque je suis entre les violons et les cuivres. Vient cette partie de la suite, que j'aime beaucoup par l'effet qu'elle produit. J'appréhendais ce moment et je ne me suis pas trompée : Malgré la difficulté, tout devient simple. Les coeurs se mettent à battre, les instruments se tournent verts le chef, le groupe respire dans le même mouvement, les pieds se décollent du sol, les jambes se mettent à trembler mais les bras restent sûrs, les trompettes et les cors claironnent, majestueux, implacables, simples, beaux, main dans la main avec la grosse caisse. Les musiciens se volatilisent, s'évaporent, ne sont plus responsables de leur instrument qui leur échappe chaque note un peu plus, c'est la Musique qui prend le dessus et s'impose dans toute l'église, dont les pierres resteront marquées par Elle, qui résonne à nous rendre sourds, qui nous transperce de tous côtés, nous soulève, bouge nos doigts, nous embuent les yeux, nous fait trembler comme des feuilles mortes poussées par un Mistral. C'est Prokofiev lui-même qui était dans l'église, il était là, et il a rendu cette musique palpable. Il a soufflé à l'oreille du chef le secret de cette composition, ce qui l'a poussé à écrire cette musique assassine, amoureuse, VRAIE. Je pourrais vous jurer que je l'ai vue de mes propres yeux, sentie de mes propres doigts sur la touche de mon violon, elle se glissait sous mes doigts... comme si c'était tout à fait normal que des humains aient cette sensation! On ne jouait pas de la musique, on était littéralement dominés par elle. Même en arrêtant de jouer elle aurait continué, elle était là, en personne. Voilà une émotion que je n'oublierai pas. LA MUSIQUE M'A MORDU ET CONTAMINE, ET J'AI SENTI PROKOFIEV DEVANT MOI!!!

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M
Excellent moment Marion !<br /> Très chouette .
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M
Merci! Je vais faire un tour sur ton blog!
L
Si un jour tu joues... préviens moi!Ca m'intéresse bcp...<br />  
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M
Je ne joue plus assez, je sens ma technique qui dégage à une vitesse folle... si je m'y remets assez assidument, je retournerai à cette semaine musicale cet été, on jouera Carmen.